Comment polluer un lac ?

Prévenir les algues bleues

mercredi 4 novembre 2009, par Xavier-Antoine Lalande

Les cyanobactéries ont résisté au temps. Apparue il y a 3,8 milliards d’années, l’algue bleue possède de fortes qualités d’adaptation. L’algue bleue est le résultat et non le problème d’un environnement pollué. Elle apparaît toujours durant la période d’eutrophisation des lacs.

L’algue bleue est le résultat et non le problème d’un environnement pollué.

La mode est aux algues bleues. Les astres semblent malheureusement alignés pour les faire apparaître incidemment dans quelques lacs si rien n’est fait pour changer la tendance. Ce petit végétal qu’est l’algue bleue est en fait une famille que l’on nomme cyanobactérie. Il existe une quarantaine de cyanobactéries qui représente un risque pour le corps humain.

La recette pour favoriser le développement des cyanobactéries est simple. Cette algue croît dans les eaux peu profondes, tièdes, calmes ou immobiles et riches en nutriments. Par nutriments, il faut comprendre les sources de phosphore et d’azote, donc les coliformes fécaux provenant des fosses septiques ou des animaux sauvages.

Les cyanobactéries ont résisté au temps. Apparue il y a 3,8 milliards d’années, l’algue bleue possède de fortes qualités d’adaptation. Cette algue ne flotte pas directement à la surface, elle est toujours entre deux eaux. Ceci devient important l’hiver. En effet, sous la glace, les autres algues se retrouvent au fond du lac où des bactéries s’activent pour les décomposer. Le statut particulier des algues bleues les placent hors de portée de ces mêmes bactéries l’hiver, ce qui facilite leur développement à long terme. Ce développement, bien entendu est fort en été. Sa capacité à fixer l’azote de l’air, particularité que possèdent peu les autres algues, lui permet de croître au dépend des autres végétaux présents dans l’eau. Autre spécificité primordiale, la cyanobactérie résiste mieux aux rayons ultraviolets que plusieurs autres algues, caractéristique qui permet de croire que son développement s’effectuera de manière croissante vu la perspective d’un rétrécissement de la couche d’ozone dans les années futures.

L’algue bleue est le résultat et non le problème d’un environnement pollué. Elle apparaît toujours durant la période d’eutrophisation des lacs. La quantité d’oxygène diminue et les sédiments s’accumulent rapidement. Les indices pour déterminer le statut eutrophe du lac repose sur la faune et la végétation qui le composent. Ainsi, un lac eutrophe comprend des poissons tels la barbotte et le crapet-soleil, espèces qui résistent à un taux d’oxygène plus bas que les autres poissons d’eau douce. De plus, les plantes submergées sont des indicateurs fiables pour en déterminer le statut. La présence de Myriophyllum spicatum en grande quantité ainsi que la présence de Brasenia schreberi sur la surface de l’eau témoignent d’un environnement très riche au pouvoir asphyxiant qui est particulier à la période d’eutrophisation.

Plusieurs facteurs et situations « enrichissent » ou autrement dit polluent le fond du lac. Les fosses septiques sont sans l’ombre d’un doute le facteur le plus incriminant, mais d’autres devraient aussi attirer notre attention. Il faut réagir avant de voir des filaments verts coloniser certains lacs.

D’abord, les coliformes fécaux ne proviennent pas uniquement des sources sanitaires humaines, les canards sont aussi de grands pollueurs de lacs. Il devrait être interdit de nourrir ces oiseaux. En nourrissant ces oiseaux avec de la moulée ou du pain, le ratio de canards par lac est artificiellement gonflé. Robert Lapalme écrit dans son livre Protéger et restaurer les lacsqu’un seul couple (2) de canards suffit pour rendre non-baignable un lac en quelques années. Il est légitime de croire qu’aujourd’hui, les canards sont une principale source de pollution.

Ensuite, les murets de béton ou de ciment en plus des poutres en bois augmentent les dépôts de sédiments dans le fond du lac. Ces techniques ne permettent pas aux feuilles et aux végétaux morts d’atteindre les rives ou elles constitueraient un profilage naturel de la berge. Ces murs empêchent la filtration naturelle de l’eau de surface issue des précipitations en plus de réchauffer l’eau. L’existence de ces murs est plus souvent qu’autrement accompagné de la présence de tourbe en bordure du mur. La tourbe ne cause pas un problème en soi. Ce sont les soins apportés à celle-ci qui remettent en question le rôle qu’elle joue. La coupe et l’utilisation d’engrais chimiques ou biologiques augmentent le taux de nutriments dans l’eau. Il est fortement recommandé d’éviter de dénaturaliser le bord des lacs en aménageant des lisières de tourbe ou des plates-bandes avec des végétaux qui ne se trouvent pas naturellement sur les rives des lacs de la région.

Enfin, même s’il existe plusieurs autres causes qui mériteraient une attention particulière, il faut conclure avec la gestion municipale des fossés. Celle-ci doit être remise en cause. Les municipalités sont responsables de la gestion des cours d’eau sur leur territoire. Des fossés mal creusés caractérisés par des pentes trop droites et une profondeur exagérée peuvent être des transporteurs importants de sédiments et de nutriments jusqu’au lac. De plus, si la municipalité tarde à vider les fossés qui se remplissent avec les années, ceci ne fait qu’accélérer le chemin de l’eau vers le lac. Plus l’eau coule vite, plus elle est puissante, ce qui augmente son pouvoir d’érosion, spécialement lors de fortes précipitations.